AFFIRMER OU EXPLORER?
Ma fille a 14 ans. Il y a un an et demi plus tôt, elle m’a annoncé qu’elle était mon fils. Comme ça, d’ailleurs : « Maman, tu as deux fils. » Cette annonce venait quelques mois après celle de sa meilleure amie. Du jour au lendemain, j’ai dû changer prénom et pronoms. Si je refusais ou si je me trompais, j’étais « transphobe ».
Je compte parmi mes amis plusieurs personnes transgenres et non binaires. Je suis de celles qui trouvent que c’est beau dans notre société de pouvoir être qui on veut, qu’on puisse s’exprimer.
Cependant, quelque chose ne collait pas avec ma fille. Le secondaire a été difficile pour elle. Les amitiés toxiques, les amours déçues, des épisodes d’automutilation et de dépression, de l’intimidation. Lorsqu’elle s’est identifiée trans, elle s’est trouvée de nouveaux amis. Quasiment tous des filles se disant trans. Aucun garçon : elle dit qu’ils sont trop immatures.
Je me suis dit que c’était moi qui avais un problème. Pourquoi pouvais-je accepter ça chez mes amis sans me poser de questions, mais pas chez mon enfant?
Et puis autour de moi, dans mon entourage proche, au moins un enfant sur trois s’était déclaré trans dans la dernière année. Pourquoi?
J’ai commencé à me rapprocher de groupes de parents. J’ai lu, beaucoup. J’ai entendu parler de la Rapid Onset Gender Dysphoria (dysphorie de genre à apparition rapide), qui correspondait au profil de ma fille. La jeune génération a souffert de la pandémie et s’est réfugiée dans les réseaux sociaux. J’ai compris que ma fille, en se cherchant, en essayant de mettre des mots sur son malaise, s’est trouvé une solution « facile ».
Et que l’affirmer en ce sens n’est pas forcément l’aider à trouver les solutions pour apaiser son mal-être. Parce qu’il est toujours là. Sous-jacent.
J’ai voulu alerter la travailleuse sociale et son père, dont je suis séparée. Nous avons eu une rencontre. Je me sentais comme Alice aux Pays des fous. On me reprochait de ne pas comprendre son ressenti. Qu’il fallait la laisser explorer. Je suis bien d’accord avec ça, alors pourquoi cette dichotomie? Affirmer, ce n’est pas explorer. Je n’écoutais pas mon enfant? Mais je ne fais que ça, l’écouter. Je vois son mal-être, je la vois ne pas aimer le regard des hommes, ne pas aimer ses formes, ne pas aimer avoir des règles, ne pas aimer sa condition de femme. On parle beaucoup d’inégalités. C’est injuste d’être une femme. On m’a dit que mon attitude transphobe ressemblait à une attitude homophobe. Et pourtant, ça n’a rien à voir! Être gai ne demande pas un ajustement de la société à votre égard. Être gai ne demande pas de lourdes modifications corporelles. Être gai ne fait pas de vous un patient à vie. Être gai n’est pas un ressenti. C’est totalement différent. Et je refuse d’être catégorisée « transphobe » parce que je pose des questions.
Ma fille m’a dit : « Tu ne m’acceptes pas. » Ce n’est pas ça, mon ange, je veux juste que toi, tu t’acceptes. On ne naît pas dans le mauvais corps, mais la société te crée une dysphorie, comme elle le faisait en montrant des mannequins trop maigres qui ont entraîné une épidémie de jeunes anorexiques.
L’expression du genre est subjective. L’exploration est saine. Nécessaire pour se connaître. Ce qui me fait peur, c’est la suite. C’est lorsqu’ils vont aller jouer dans les hormones pour correspondre à cet idéal créé. Les opérations irréversibles. La travailleuse sociale m’a affirmé que les bloqueurs étaient sans conséquences. Réversibles. Elle a été surprise quand je lui ai montré les preuves du contraire. On provoque la ménopause chez des jeunes filles. On bloque le développement des testicules. De la part d’une professionnelle, il est grave d’ignorer de tels faits.
Ce qui m’inquiète aussi, c’est le discours scénarisé, répété par tous ces enfants et professionnels, auquel il faut adhérer. C’est le mensonge qu’ils se martèlent. J’ai peur de la chute. On voit un nombre grandissant de détransitionneurs. Il serait bon de les écouter.
L’école a changé son nom et son genre sur les documents. Sans nous demander notre avis, aux parents. Si elle change de prénom à nouveau, comme c’est déjà le cas sur certains réseaux sociaux avec un autre prénom masculin, va-t-elle changer à nouveau de prénom à l’école? L’école est hypocrite avec les parents et joue un jeu dangereux. L’éducateur spécialisé avec qui je parle beaucoup m’a dit qu’ils devaient parfois mentir.
J’aime mon enfant plus que tout. J’ai décidé de ne pas trop m’impliquer dans les histoires de genre. Je ne nomme plus, ne genre plus, je reste dans le neutre et les petits noms doux. On a une belle relation. Je veux préserver ça. Je sais qu’elle pourrait décider d’aller de l’avant et passer à la médication sans m’en parler. En me concentrant sur elle, sur ses passions, sur ses histoires, je renforce notre lien, et c’est le plus important. Et j’espère que si elle prend cette décision, elle viendra m’en parler.
Aujourd’hui, elle se maquille et s’habille de façon plus féminine. Mais ça ne veut rien dire. En fin de semaine, mon ami lui a demandé : « T’en es où? » Elle a répondu : « Je suis un homme. »