La médecine transaffirmative pour les jeunes du Québec

Suite au reportage de l’équipe d’Enquête à Radio-Canada, une présentation des faits sur la médecine transaffirmative pour les jeunes du Québec.

Trans expressEnquête – Épisode du jeudi 29 février 2024

Le Rési salue le sérieux du reportage, qui tente de poser les jalons d’une discussion calme et basée sur la science, et non sur la polarisation politique. En effet, des partis politiques québécois et canadiens semblent utiliser la question trans pour gagner des points de popularité au lieu de trouver des solutions aux réels problèmes vécus par les jeunes.

Ce que nous retenons de ce reportage :

  • Le manque de consensus médical chez les spécialistes sur les meilleurs soins à apporter aux jeunes en souffrance. Au Québec la seule option offerte est la médecine transaffirmative, qui propose une médicalisation à vie à des jeunes dès la préadolescence (bloqueurs de puberté suivis d’hormonothérapie de réassignation sexuelle et d’opérations chirurgicales). Cependant, des spécialistes qui offraient une approche transaffirmative, telle la psychiatre en chef de la clinique de genre de l’hôpital Tampere, Dre Riittatterku Kaltiala, ont changé d’avis sur cette approche après avoir constaté qu’elle ne soulageait pas les jeunes de la nouvelle cohorte de patients. Dans le contexte où de nombreux pays européens font marche arrière sur l’approche transaffirmative, on se demande pourquoi les médecins québécois appliquent encore cette approche sans se poser de questions. Le Collège des médecins et l’Ordre des psychologues du Québec, en particulier, ne devraient-ils pas étudier les données probantes dans le monde pour revoir ce dossier?
  • La rapidité et la facilité avec laquelle des jeunes Québécois et Québécoises obtiennent des soins dits affirmatifs, soins médicaux qui sont pourtant importants et irréversibles : quelques minutes suffisent pour obtenir une ordonnance de testostérone. Des doubles mastectomies sont effectuées sur des jeunes filles de 16 ans rapidement, sans évaluation et suivi psychologique sérieux. Selon Jane, jeune fille témoignant à Enquête, obtenir une mastectomie a pris deux rendez-vous, mais pour obtenir des soins de détransition on lui a dit qu’elle devait attendre deux à trois ans et suivre une thérapie d’un an.
  • Le manque de sérieux dans l’évaluation de la situation des jeunes, la moitié d’entre eux souffrant de comorbidités sérieuses (troubles anxieux, trouble de l’alimentation, traumas à la suite d’agressions sexuelles). La médecin qui a donné une ordonnance de testostérone à une jeune fille rencontrée une fois et qui lui a bien dit qu’elle avait peut-être un trouble de l’alimentation n’a pris que cinq minutes pour lui parler d’interventions chirurgicales possibles, puis lui a prescrit de la testostérone après neuf minutes.
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D’après Dr Nicolas Chadi de l’Hôpital Sainte-Justine (clinique qui a refusé de parler aux chercheurs d’Enquête), 55,2 % des jeunes consultant pour la première fois à la clinique de genre de 2016 à 2021 avaient reçu un diagnostic formel de santé mentale. Toujours selon Dr Chadi, 78 % des jeunes dans cette cohorte rapportaient être en mauvaise santé mentale.

Nous savons par ailleurs qu’au Royaume-Uni, 97,5 % des jeunes référés à la clinique de genre de Tavistock avaient des comorbidités (trauma, anxiété, TDAH, spectre de l’autisme, mutilation, etc.). Ces chiffres posent la réelle possibilité de se tromper de diagnostic et de proposer des solutions médicales radicales qui ne régleront pas les problèmes des jeunes.

Références :

Conférence de Dr Chadi, 23 février 2024 : Caractéristiques cliniques et socio-démographiques des enfants, adolescents et jeunes adultes transgenres et non-binaires au Québec.

Tavistock: Time to think, Hannah Barnes, Londres, Swift Press, 2023.

  • Le manque d’informations données aux jeunes sur les effets des hormones, qui pose la question du consentement éclairé. On peut se poser la même question concernant la prise de Lupron DepotMD, un bloqueur de puberté mentionné dans le reportage, qui est fourni aux jeunes Québécois, mais dont l’usage a été interdit ou très sérieusement restreint dans les pays nordiques et le Royaume-Uni, à la suite de découvertes sur les effets graves sur la santé des os et possiblement le développement du cerveau des jeunes.

On peut aussi remettre en question la capacité de compréhension des jeunes sur les conséquences à long terme. Aucun salon de tatouage ne donnera un tatouage à un mineur, même s’il le désire intensément. Il est périlleux de confier à une adolescente en pleine tourmente identitaire adolescente la décision de devenir stérile ou pas ou de pouvoir allaiter ou pas. L’interprétation du droit des 14 ans et plus de pouvoir accepter toute forme de soins doit être mis en contexte, car ce n’est pas tout à fait ce que prévoit le Code civil.

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Il est d’usage de dire qu’au Québec les jeunes de 14 ans peuvent consentir à des soins médicaux, et le reportage le souligne. Il faut cependant qualifier cette affirmation. Selon l’article 17 du Code civil du Québec : « Le mineur de 14 ans et plus peut consentir seul aux soins non requis par l’état de santé; le consentement du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur est cependant nécessaire si les soins présentent un risque sérieux pour la santé du mineur et peuvent lui causer des effets graves et permanents » (nous soulignons). Or, le reportage démontre bien que les soins transaffirmatifs ont des effets graves et permanents. Il y a lieu de repenser à la réelle capacité des jeunes mineurs de consentir aux soins transaffirmatifs.

Il est également important pour les parents et les professionnels de la santé de savoir qu’ils ont la responsabilité et le droit de protéger les adolescents, parfois d’eux-mêmes. C’est le rôle des parents.

Sur la capacité de comprendre toutes les conséquences de cette médecine, et donc de donner un consentement éclairé : En 2021, Mme Grou, présidente de l’Ordre de psychologues du Québec, disait au micro de Radio-Canada (extrait) : « Quand on est un jeune adolescent, il n’est pas vrai qu’on est nécessairement complètement capable d’anticiper toutes les conséquences de nos actions, de se projeter dans l’âge adulte ou de faire un consentement qui est complètement éclairé, par exemple par rapport à des approches d’hormonothérapie ou des approches chirurgicales qui seraient extrêmement complexes. (…). C’est pour ça que, lorsqu’on parle d’approche affirmative (…) il faut être prudent dans l’accompagnement qu’on fait parce que justement ce n’est pas un cerveau qui est capable de porter un jugement plein et entier. ».

La Société pédiatrique suédoise a déclaré ne pas souscrire à l’idée d’une thérapie dictée par l’enfant telle que celle des soins affirmatifs, car il ne peut consentir à des altérations irréversibles du corps humain. Extrait de son avis :

[Traduction] Le processus de maturation physique et psychologique des enfants et des adolescents est individuel, mais pour la plupart d’entre eux, il comprend la recherche et l’expérimentation d’identités; ce phénomène est naturel, et les proches doivent donc y apporter un soutien nuancé. Les règles de la société doivent respecter un équilibre entre les droits propres de l’enfant et la nécessité de les protéger. Les données scientifiques probantes et les pratiques médicales établies ne permettent pas de donner aux enfants le droit de prendre seuls des décisions qui changent le cours d’une vie à un âge où il est impossible de s’attendre à ce qu’ils en comprennent les conséquences.

  • Le dénigrement de la voix et de l’avis des parents. Selon Mme Pullen Sansfaçon, titulaire d’un doctorat en travail social et chercheure engagée au Québec, les parents ne connaissent pas leurs enfants et ne savent pas ce qu’ils vivent. Cette opinion est pour le moins surprenante. Dans le reportage on voit des parents aimants et compréhensifs, qui voient bien ce qui se passe dans la vie de leurs enfants.
  • Les hauts taux d’idéation suicidaire et le suicide ne peuvent être liés de manière claire à la dysphorie de genre. Les jeunes se disant trans ont plus d’idéation suicidaire que les autres jeunes. Cependant, comme ils ont aussi des comorbidités qui sont corrélées avec de plus hauts taux de pensées suicidaires (dépression, anxiété, trouble de personnalité limite, troubles alimentaires, TDAH, trauma, etc.), il n’est pas possible en réalité d’assurer que la dysphorie de genre seule mène à de hauts taux de suicide. En 15 ans, au Québec, il y a eu cinq suicides de jeunes dysphoriques; dans quatre de ces cas, les jeunes avaient des problèmes de santé mentale.

Le Rési est en accord avec Samuel Veissière lorsqu’il dit qu’on fait peur aux parents en leur disant que leur enfant est à risque de suicide s’ils n’acceptent pas la médecine transaffirmative. Il s’agit en fait d’une manipulation éhontée de leurs des émotions.

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nous avons accès depuis peu à la toute première étude sur les idéations suicidaires de jeunes se disant trans, contrôlé à la fois avec un groupe témoin de jeunes, et également contrôlé pour les comorbidités. Or, cette recherche n’a pu démontrer de corrélation entre la dysphorie et les idéations suicidaires.

L’étude conclut que :

  • La dysphorie clinique de genre en elle-même ne semble pas prédire ni la mortalité toutes causes confondues ni la mortalité par suicide lorsque les antécédents de traitements psychiatriques sont pris en compte.
  • Le principal facteur prédictif de mortalité dans cette population est la morbidité psychiatrique, et la réassignation médicale de genre (transition médicale) n’a pas d’impact sur le risque de suicide.
  • Il est de la plus haute importance d’identifier et de traiter de manière appropriée les troubles mentaux chez les ados ayant une dysphorie de genre afin de prévenir le suicide.

Référence :

All-cause and suicide mortalities among adolescents and young adults who contacted specialised gender identity services in Finland in 1996–2019: a register study

Sami-Matti Ruuska, Katinka Tuisku, Timo Holttinen, Riittakerttu Kaltiala

https://mentalhealth.bmj.com/content/27/1/e300940

Conclusion :

Alors que de nombreux pays ont fait marche arrière pour ce qui est de la transition de jeunes, contestant les résultats du protocole hollandais et les directives de la WPATH (association mondiale de professionnels qui militent pour la médecine transaffirmative, sans aucune limitation pour l’âge), le milieu médical québécois doit aux jeunes et à leurs familles de se poser des questions et d’apporter des réponses en accord avec les données probantes.

Nous pensons que les professionnels de la santé québécois sont de bonne foi lorsqu’ils et elles proposent une médecine transaffirmative aux enfants québécois. Ils et elles pensent réellement réduire les souffrances et faire du bien à ses enfants, à l’instar de Dre Kaltiala qui pensait qu’elle sauvait des enfants.

Il n’est pas trop tard cependant pour faire marche arrière, réfléchir et s’assurer de bien faire. Il en va de l’avenir de centaines de jeunes Québécois et Québécoises.

Émission Enquête – La médecine de genre au Québec

Nous avons appris que l’émission Enquête de Radio-Canada allait diffuser un reportage sur la dysphorie de genre chez les jeunes au Québec, le jeudi 29 février, à 21 h. L’épisode est intitulé Trans express.

Nous connaissons la tradition de journalisme d’enquête sérieux, voire courageux, de cette émission. Nous savons aussi qu’une enquête sérieuse peut avoir des conséquences importantes. En 2019, en Suède, un documentaire d’enquête intitulé The Trans Train (uppdrag-granskning/the-trans-train) a suscité un débat public puis une recherche plus approfondie de la question des jeunes qui se disent trans. Ce documentaire est accessible sur YouTube avec des sous-titres français (première, deuxième et troisième parties, quatrième partie non accessible en français) ou anglais (première, deuxième, troisième et quatrième partie).

Ainsi, les membres du Rési souhaitent que la société québécoise, bienveillante à l’égard des enfants, puisse faire un débat non politisé sur le sujet des soins à apporter aux jeunes se disant trans ou non-binaires.

Les membres du Rési ont très hâte de voir comment le reportage de l’émission Enquête présentera ce sujet.

La médecine de genre au Québec

Les soins dits « affirmatifs » exigent d’importantes interventions médicales, comme la prise de médicaments puissants bloquant la puberté dès son apparition, puis, quelques mois plus tard, un traitement par l’hormonothérapie croisée qui transforme les corps de manière irréversible. Si les établissements de santé québécois appliquent les nouvelles directives de l’association militante WPATH (World Professional Association for Trans Health), consignées dans son document Standards of Care 8 (SOC8), il n’y a plus aucune limite d’âge pour débuter des traitements médicaux des enfants.

L’ablation des seins est proposée aux jeunes Québécoises de 16 ans et est payée par la RAMQ. Les chirurgies de « réassignation sexuelle » sont, quant à elles, remboursées par la RAMQ à 18 ans. La suppression de l’utérus (hystérectomie), des ovaires (ovariectomie) ou des testicules (orchidectomie) et la construction d’organes génitaux de l’autre sexe (phalloplastie ou vaginoplastie) entraînent des conséquences irréversibles comme la ménopause précoce ou la perte de la capacité de reproduction. La capacité de ressentir du plaisir sexuel peut en pâtir, et bien des personnes opérées rapportent des douleurs récurrentes.

Des questionnements qu’on ne peut ignorer

Notons que des études sur l’effet des bloqueurs de puberté ont révélé qu’ils interféreraient avec le développement du cerveau de mammifères. Les effets des bloqueurs de puberté sur le cerveau humain n’ont pas encore été étudiés de façon significative, malgré un appel pressant à le faire immédiatement. Arrêter la puberté veut dire arrêter le développement naturel du corps et du cerveau de l’enfant.

La médecine « affirmative » est centrée sur ce que désire ou exprime l’enfant.  C’est une thérapie dictée par le patient. Or, selon les plus récentes recherches scientifiques, le cerveau atteint sa maturation vers 25 ans. Dans une autre émission de Radio-Canada, Désautel le dimanche, Mme Christine Grou, présidente de l’ordre des psychologues du Québec, disait  : « Quand on est un jeune adolescent, il n’est pas vrai qu’on est nécessairement complètement capable d’anticiper toutes les conséquences de nos actions, de se projeter dans l’âge adulte ou de faire un consentement qui est complètement éclairé, par exemple par rapport à des approches d’hormonothérapie ou des approches chirurgicales qui seraient extrêmement complexes. Dans le développement du cerveau, il y a quelque chose qui se passe à l’adolescence. Les structures qui sont responsables des émotions sont en pleine effervescence, comme les hormones d’ailleurs, et les structures qui sont responsables de tempérer ne sont pas encore matures. C’est pour ça que, lorsqu’on parle d’approche affirmative, je pense que c’est important de dire qu’on ne veut pas invalider et de ne pas minimiser surtout ce que l’adolescent vit (…) mais par ailleurs il faut être prudent dans l’accompagnement qu’on fait parce que justement ce n’est pas un cerveau qui est capable de porter un jugement plein et entier. Ça soulève des questions en éthique clinique sur lesquelles il faut réfléchir, il y a des enjeux et des questions à se poser et je pense qu’il faut être particulièrement minutieux dans l’évaluation qu’on en fait. Tout le monde veut le mieux pour ces enfants-là, mais tout le monde ne s’entend pas sur c’est quoi le mieux. Alors il faut réfléchir davantage. ».

Ainsi, il y a lieu de se poser la question du consentement des jeunes, en plus du questionnement sur les bienfaits réels de l’approche affirmative (remise en question par de nombreux professionnels de la santé dans le monde, jusqu’à l’Organisation Mondiale de la Santé), en contexte de la hausse rapide de jeunes Québécois, et surtout Québécoises qui se disent trans depuis quelques années. Sans oublier que la médecine du genre est un champ d’étude et de pratique très récent chez les enfants et les adolescents.

Les parents aimant profondément leurs enfants sont en droit de poser des questions sans être traités de mauvais pères et de mauvaises mères.

Ailleurs dans le monde

La Société pédiatrique suédoise a déclaré ne pas souscrire à l’idée d’une thérapie dictée par l’enfant telle que celle des soins affirmatifs, car il ne peut consentir à des altérations irréversibles du corps humain. Extrait de son avis :

[Traduction] Le processus de maturation physique et psychologique des enfants et des adolescents est individuel, mais pour la plupart d’entre eux, il comprend la recherche et l’expérimentation d’identités; ce phénomène est naturel, et les proches doivent donc y apporter un soutien nuancé. Les règles de la société doivent respecter un équilibre entre les droits propres de l’enfant et la nécessité de les protéger. Les données scientifiques probantes et les pratiques médicales établies ne permettent pas de donner aux enfants le droit de prendre seuls des décisions qui changent le cours d’une vie à un âge où il est impossible de s’attendre à ce qu’ils en comprennent les conséquences.